La Campagne d'Allemagne



Les dates-clés :
18 décembre 1812 : Napoléon rentre à Paris
16 mars 1813 : Déclaration de guerre de la Prusse à la France
2 mai 1813 : Victoire de Lützen
20 - 21 mai 1813 Victoire de Bautzen
4 juin - 10 août 1813 : Armistice de Pleiswitz
11 août 1813 : Déclaration de guerre de l'Autriche à la France
16 - 19 octobre 1813 : Défaite de Leipzig
Batailles : Lützen, Bautzen, Dresde, Leipzig
La défaite de l'Armée des Vingt Nations


La défaite de Napoléon en Russie apporta la preuve que la Grande Armée n'était pas invincible. En décembre 1812, le général Yorck envoyé par la prusse pour intégrer l'Armée des Vingt Nations à la tête de 20 000 hommes, signa avec les Russes la convention de Tauroggen pour proclamer la neutralité de son contingent. Cette décision fut lourde de conséquences : elle montra d'abord que l'alliance franco-prussienne n'était qu'un voile de fumée bien vite déchiré par les premiers revers de l'Empereur, et que celui-ci ne pouvait pas plus compter sur Frédéric-Guillaume que sur le tsar Alexandre après Tilsit. Ensuite, elle interdit aux troupes françaises de stationner en Prusse, dès lors considérée comme une terre hostile ou du moins inhospitalière.
Macdonald quitta Koenigsberg, où le tsar fit une entrée triomphale fin janvier, gagnant la Prusse Orientale à la coalition. D'abord réticent à suivre le mouvement, Frédéric-Guillaume comprit que les états allemands avaient choisi leur camp et résolut à son tour de traiter avec les Russes. Il fit signer le traité de Kalish avec Koutouzov, renouvelant l'alliance de 1806 et l'engageant à déployer 80 000 hommes. A Vienne, François Ier et Metternich étaient plus hésitants. Valait-il mieux vivre sous la domination française ou sous celle des Russes ? L'Autriche resterait non-belligérante jusqu'en août 1813.
Rentré à Paris le 18 décembre, Napoléon savait que la partie serait difficile. Il tenta de relativiser sa défaite : "mon armée a essuyé des pertes, mais c'est par la rigueur prématurée de la saison." Il s'attacha ensuite à rassembler des troupes, puisqu'on ne pouvait plus compter sur l'armée qui revenait de Russie. En Allemagne, en France et en Italie, on mobilisait à tout-va, écornant la popularité de l'Empereur. Il accomplit néanmoins l'exploit de lever un peu plus de 140 000 hommes en quatre mois, mais ne put remplacer sa cavalerie qui avait presque entièrement disparu dans les steppes gelées entre Moscou et le Niémen.
Le 16 mars 1813, la Prusse déclara la guerre à la France. Fin avril, l'armée russe, sous le commandement de Wittgenstein depuis la mort de Koutousov, prit Berlin et pénétra dans le royaume pro-français de Saxe, avant de prendre position près de Leipzig.
Lützen et Bautzen
Face aux imposantes concentrations de l'armée coalisée, le plan de Napoléon était le suivant : franchir la Saale puis marcher sur Leipzig pour faire peser une importante menace sur les arrières ennemis. Mais début mai, les Russes attaquèrent le corps de Ney près de Lützen et contraignirent l'Empereur à modifier ses projets pour lui porter secours. Menacées d'enveloppement et percées au centre par la Garde, les troupes de Wittgenstein durent se retirer du combat. Hélas pour Napoléon, le lendemain de Lützen n'eut rien en commun avec celui d'Iéna : ici, faute de cavalerie, il n'y eut pas de poursuite de l'armée adverse, ce qui empêcha la victoire de Lützen d'être un nouveau Friedland.
Napoléon avait néanmoins réussi à semer la discorde dans les rangs de la coalition. Après Lützen, les objectifs des Prussiens divergèrent de ceux des Russes : Frédéric-Guillaume accepta de se ranger à l'avis d'Alexandre afin de préserver l'alliance. A contrecoeur, il découvrit presque totalement Berlin pour rassembler ses forces à Bautzen.
Napoléon, de son côté, se porta à Dresde, prêt à fondre sur la capitale prussienne, mais décida finalement d'attaquer à Bautzen. En réunissant les forces disponibles, il présenta aux presque 100 000 coalisés plus de 140 000 hommes. Il tenta à nouveau sa manoeuvre d'enveloppement : à l'assaut frontal succèderait le mouvement tournant du Duc d'Elchingen, qui devrait déboucher sur les arrières adverses au moment précis où le front allié commencerait à céder. Toute la difficulté serait de choisir le moment du départ pour arriver à l'instant propice; Jomini, qui fit puis étudia la campagne de 1813, devait déclarer plus tard que Napoléon réussit pleinement ce tour de force.


Le 20 mai 1813, avec le gros des troupes, Napoléon attaqua et fixa Wittgenstein à Bautzen. Afin d'affaiblir l'aile gauche russe, il feignit un mouvement tournant par le Sud, alors que le véritable enveloppement viendrait du Nord avec Ney. Mais le 21 mai, lorsque le maréchal arriva sur le champ de bataille, il perdit du temps et s'enlisa dans des combats sur les hauteurs de Kreckwitz. En conséquence, les Alliés purent rompre le contact avant d'être anéantis et la manoeuvre de Bautzen échoua...
Barclay de Tolly remplaça Wittgenstein, donnant lieu à une nouvelle controverse stratégique : les coalisés devaient-ils se retirer hors de portée de Napoléon, à l'Est, ou bien se maintenir en Silésie pour couvrir Berlin ? Une fois de plus, et sans surprise, les Prussiens militèrent ardemment pour la seconde solution. Soucieux de la sauvegarde de l'alliance, le tsar opta pour la protection de Berlin.
Parallèlement à ces discussions le Royaume-Uni tenta de profiter des désordres dans les territoires allemands sous domination française et débarqua à Hambourg. Davout contre-attaqua et expulsa les envahisseurs. Il ne quitterait plus la ville jusqu'en avril 1814, et ferait lourdement défaut à la Grande Armée dans la neige de Champagne.
L'armistice de Pleiswitz
De son côté, l'Autriche était toujours partagée quant à la marche à suivre. Rejoindre les coalisés, c'était admettre la suprématie russe en Europe. Aider Napoléon, c'était rester sous la domination française. Et ne rien faire du tout, c'était manquer une occasion de retrouver le rang de grande puissance européenne. Apprenant qu'une trêve se préparait entre les combattants éreintés par les récents affrontements, Vienne se posa en arbitre et proposa un armistice. Il fut signé à Pleiswitz le 4 juin, prenant effet immédiatement jusqu'au 20 juillet, puis jusqu'au 10 août. Ce fut le tournant de la campagne d'Allemagne, et aussi une des plus grandes erreurs de Napoléon.
Pourquoi, alors qu'il avait pris l'avantage, Napoléon accepta-t-il de suspendre les hostilités ? Dans l'esprit de l'Empereur, avoir les mains libres du point de vue militaire lui permettrait de consacrer plus de temps et d'énergie à maintenir l'Autriche à ses côtés et à l'empêcher d'entrer dans la coalition. Ensuite, son flanc sud sécurisé, il reprendrait les armes, capturerait Berlin et chasserait les Russes d'Allemagne. En face, inondés d'or britannique, Frédéric et Alexandre profitèrent de ce répit pour réorganiser leurs forces.
Venons-en au rôle de Klemens von Metternich, ministre des Affaires étrangères de l'Autriche, dans la guerre de 1813. Approché par les Britanniques pour pousser son pays dans les bras de la 6ème coalition, il déclina l'offre. Il tenta de s'immiscer dans les affaires d'Allemagne en assurant la protection aux états menacés par l'expansion prussienne, et dans les affaires franco-russes en proposant un nouveau partage de l'Europe : à Napoléon l'Ouest du Rhin, à Alexandre l'Est de la Vistule. Mais cette idée aurait exigé de l'Empereur qu'il renonçât à son influence et son emprise sur nombre de territoires et, de fil en aiguille, qu'il ramenât la France aux frontières de 1792. Napoléon rejeta donc les propositions de Metternich.
Le 26 juin, les deux hommes eurent à Dresde une entrevue restée célèbre. Napoléon fut peu convaincu par les propositions du ministre de François Ier; le ton monta et l'Empereur s'exclama : "Ainsi, vous voulez la guerre ? C'est bien, vous l'aurez. J'ai anéanti l'armée prussienne à Lützen, j'ai battu les Russes à Bautzen; vous voulez avoir votre tour. Je vous donne rendez-vous à Vienne."



Le lendemain, par le traité de Reichenbach, l'Autriche rejoignait la coalition. Ce n'était pas encore la guerre, mais celle-ci approchait à grands pas. Il semble intéressant de relever que Metternich avait donné à ses diplomates l'ordre de signer le traité avant la fin de son entrevue à Dresde, ce qui montre que le ministre savait pertinnement que les exigences des Alliés étaient trop exorbitantes pour obtenir une réponse favorable de la part de l'Empereur, d'autant plus que celui-ci venait de réaffirmer sa suprématie militaire sur l'Europe.
En réalité, le diplomate russe Nesselrode reconnaîtra plus tard que le congrès de Prague, ouvert le 12 juillet conformément aux accords de Pleiswitz,"n'était qu'une comédie." Metternich et François étaient les seuls à trouver un réel intérêt à la paix. Et pourtant, le 11 août 1813, après l'expiration de l'armistice et l'échec des négociations de paix, l'Empire d'Autriche déclara la guerre à Napoléon. L'Europe coalisée venait de comprendre, au bout de 21 ans de guerres et de défaites, que seuls leurs efforts conjugués viendraient à bout de la France impériale.
Dernier succès et premiers revers


De délicate, la situation devint critique pour Napoléon. Derrière les Pyrénées, Wellington avait battu Joseph et Jourdan à Vitoria et remontait vers Toulouse. Fidèle à ses principes, l'Empereur choisit de frapper au centre du dispositif ennemi : d'abord l'Allemagne où se regroupent les forces les plus puissantes, puis l'Espagne.
Les Alliés avaient appris depuis leurs défaites respectives. A Trachenberg et Reichenbach, des congrès avaient été tenus pour tirer les enseignements des déboires des cinq coalitions précédentes. Ils décidèrent en outre de constituer trois armées : Armée de Bohême (230 000 hommes, maréchal de Schwarzenberg); Armée d'Allemagne du Nord (140 000 hommes, Bernadotte) et Armée de Silésie (105 000 hommes, maréchal Blücher). Ces forces innovaient pour trois raisons : d'abord, les troupes de chaque pays coalisé étaient dispersées dans plusieurs armées de sorte que, même si Napoléon en battait une, chaque coalisé disposât encore de troupes et ne soit pas forcé de signer la paix comme après Iéna par exemple. Ensuite, elles avaient reçu pour ordre de n'engager le combat qu'en cas de forte supériorité numérique. Enfin, elles devaient éviter autant que possible l'affrontement avec l'Empereur lui-même tant que ses maréchaux n'auraient pas été battus isolément.
Dès le 23 août, Bernadotte bouscula son ancien compatriote Oudinot à Grossbeeren; le 25, à Katzbach, Macdonald fut chassé de Silésie par Blücher. Même si, les 26 et 27 août, Napoléon attaqua Schwarzenberg à Dresde et le défit malgré son écrasante infériorité numérique, il ne put exploiter sa victoire, toujours en raison de son manque de cavalerie. Les neiges de Russie avaient marqué la Grande Armée d'une trace indélébile et leur malédiction la poursuivit bien au-delà du Niémen.
La miraculeuse victoire de Dresde n'arrangea pas les affaires de l'Empereur : le 6, Ney fut à on tour battu par Bernadotte à Dennewitz, alors qu'il tentait de marcher sur Berlin. Face à ces déconvenues plutôt inhabituelles pour les vainqueurs de Friedland et Wagram, l'Empereur dut à son tour s'adapter. Après avoir en vain cherché le combat avec Bernadotte et Blücher, qui se dérobèrent devant son avance, il choisit de gagner Leipzig et, fortement retranché, d'y attendre les armées coalisées. Il lui faudrait ensuite exploiter la moindre ouverture, la moindre faille de leur marche vers le Sud pour les séparer et les écraser une à une.


La bataille de Leipzig


16 octobre 1813. A Leipzig, Napoléon concentrait 140 000 hommes, face à 200 000 coalisés, dont les rangs grossirent au cours de la bataille par d'incessantes arrivées de renforts. Bennigsen, Bernadottes et d'autres contingents portèrent leurs effectifs à 380 000 hommes, soit une supériorité de presque trois contre un. Le combat fit rage du 16 au 19 août et nombre de soldats trouvèrent la mort sous les murs de la ville. Poniatowski, prince polonais devenu maréchal d'Empire, se noya au cours de la retraite. Au cours de cette bataille, qui en nombre d'engagés fut la plus grande des guerres de la Révolution et de l'Empire, plus de 100 000 Alliés ou Français périrent.
L'Allemagne était définitivement perdue pour l'Empereur, qui malgré tout songeait encore à réitérer l'exploit de l'hiver dernier en recréant son armée entièrement détruite dans les combats. Après leur victoire, au lieu de traverser le Rhin et d'investir le dernier bastion de l'Empire qui les narguait depuis bientôt dix ans, les coalisés préférèrent temporiser pour réorganiser à nouveau leurs troupes.



Dernières négociations
Les clameurs de la bataille de Leipzig étaient à peine retombées que le tsar Alexandre comprit que la domination de l'Europe était à sa portée. La défaite de la France, réduite au rang de puissance périphérique, libérait entre le Rhin et le Niémen un espace dans lequel la Russie rêvait de s'engouffrer. Mais pour cela, il fallait que l'Empire de Napoléon fût définitivement rayé de la carte, et cela restait impensable tant que Paris n'était pas tombée. Dès lors, le souci constant du tsar fut de plaider la cause d'une nouvelle avancée vers l'Est auprès de Francois et Frédéric, que leur victoire en Allemagne semblait pour l'instant satisfaire. Et pour cause : les deux souverains redoutaient autant l'hégémonie russe que française. Metternich parvint finalement à imposer le point de vue de l'Autriche.
Ce furent les propositions de Francfort : avant toute négociation de paix, la France devrait renoncer à ses conquêtes de 1792 et des années qui suivirent. Il serait trop simple d'accuser Napoléon de bellicisme parce qu'il ne s'empressa pas d'accepter ces propositions, qui étaient plus insidieuses qu'elles n'en avaient l'air. Rappelons qu'elles n'étaient qu'un préalable aux pourparlers de paix et que, si ceux-ci se fussent révélés aussi décevants que ceux de Prague, la France n'eût pas échappé à l'invasion. Néanmoins, le vaincu de Leipzig finit par négocier et dépêcha des émissaires.
C'était sans compter sur Castlereagh, ministre britannique des Affaires Etrangères, qui, apprenant que son représentant auprès des coalisés avait avalisé les propositions de Francfort, accourut sur le continent. L'Angleterre avait lutté trop longtemps contre l'Ogre Corse pour voir tous ses efforts ainsi bafoués, et n'avait nullement l'intention de renoncer aux avantages que conféraient la présence de Wellington au Sud de Toulouse et celle de la flotte dans les colonies françaises.
Metternich et Castlereagh finirent par trouver un nouvel accord. La France devait rester suffisamment puissante pour empêcher la Russie de troubler l'équilibre européen. Quant à l'Empereur, il fallait l'écarter du pouvoir afin d'éviter de déboucher sur la situation inverse. Il fallait donc, avant toute chose, battre militairement ce qui restait du Grand Empire, et donc se ranger à l'avis du tsar.
Dans les derniers jours de l'année 1813, alors que les premiers flocons de neige tombaient sur la boue de Champagne et d'Argonne, neuf cent mille hommes franchissaient les frontières de la France et convergeaient vers Paris.



Retourner au début




NAPOPEDIA version 2.3.0 © - Grande Encyclopédie de Napoléon et du Premier Empire - 2016-2021
Les images portant la mention "Napopédia" et les textes sont la propriété du site NAPOPEDIA ©. Toute reproduction partielle ou complète est interdite sauf autorisation préalable des auteurs.